Émile Brunet fait partie de ces néoruraux, des idéalistes rêveurs, qui ont délaissé Montréal il y a quelques années à peine pour la campagne. Étant né et ayant grandi, étudié, travaillé et fondé une famille dans la métropole, il a finalement abandonné une carrière de marchand de couleurs et de matériel artistique de plus de dix ans pour concrétiser ses rêves. Sa décennie plongée dans l'univers des pigments et des matériaux d’artiste a nourri une passion grandissante pour les méthodes de fabrication ancestrales.
Toujours attiré par les paysages et la nature, il a trouvé dans cet intérêt le lien entre son idéal de vie et sa pratique artistique. Ainsi, porté par des espoirs d'autosuffisance et une soif de grands espaces, il a trouvé dans l'Estrie le terroir idéal pour mettre en pratique ses connaissances et ses expériences accumulées.
Ayant fréquenté les musées dès sa jeunesse, il a développé une fascination précoce pour la puissance de la peinture à l'huile. À travers ses yeux d'enfant, les peintres de la Renaissance ont créé une magie matérielle, jouant avec l'huile pour rendre naturel l'extraordinaire. Aujourd'hui, il imagine que ces artistes regardaient le monde avec des yeux d'enfant, transcendant la frontière entre réalité et imaginaire.
Ce paradoxe constitue la trame narrative de sa recherche picturale, explorant les liens entre l'imaginaire collectif contemporain, celui du Moyen Âge et de la Renaissance primitive. Utilisant une imagerie anecdotique, composée de fragments parfois échantillonnés, parfois imaginés, il examine la façon dont notre époque recycle, transforme et déforme l'histoire de l'art, et réciproquement, comment l'art transforme l'histoire, s'intégrant finalement à notre culture populaire.
Son travail, une ode anachronique au penchant passéiste, prend la forme de fables muséales centrées sur la peinture à l'huile et ses matériaux. Il remet en question le sens du temps et de la matière dans le contexte actuel de l'art, abordant la figuration comme un vocabulaire lui permettant de s'insérer dans un rituel long et laborieux. De la préparation des supports à la fabrication de pigments puis des vernis, il ancre son art entre réalité et illusion, dans un territoire où forme et contenu sont indissociables, une échappatoire hors de la portée des intelligences artificielles.
